Un cours d’allemand qui, pour une fois, a fait plaisir
13h30, ce fameux mardi de mars :
Les élèves découvrent des étiquettes/prénoms sur des chaises placées en ovale devant le tableau. D’autres étiquettes/prénoms se trouvent sur les tables en îlots.
Sur les tables, les élèves découvrent leur copie, une feuille avec leur mission et une enveloppe avec des phrases sous forme d’étiquettes dont les mots sont à remettre dans l’ordre. Ces élèves ont la mission de réfléchir à comment aider un(e) autre élève de la classe à comprendre ce que lui-même/elle-même a compris, à savoir un ou plusieurs types de phrases avec justification.
Je dois dire que les élèves, dont certains n’ont pas forcément de très bonnes notes, étaient flattés d’avoir une telle mission et ont pris leur temps de réflexion très au sérieux.
Pendant ce temps, les douze autres élèves assis en cercle se sont entraînés à certaines de ces phrases sous une forme ludique. Certains avaient une grande étiquette d’un mot de la phrase complexe avec justification, et d’autres devaient inviter leurs camarades à se placer de façon à obtenir la phrase qui en respecte la syntaxe.
Au bout de 20 minutes, les élèves qui allaient offrir leur savoir étaient prêts.
Les échanges se sont déroulés dans le calme et avec beaucoup de concentration de la part des élèves, quel que soit leur rôle, jusque vers 10 minutes avant la fin du cours, où certains élèves ont du se souvenir qu’habituellement ils ne viennent pas pour être sérieux.
En attendant, j’ai pu passer aux différents îlots pour remettre aux élèves, le carnet des savoirs qui voyagent, où pour être expert absolu dans un domaine, il faut non seulement avoir réussi à expliquer un savoir à un autre élève, mais où il faut, en plus, que celui qui a bénéficié de l’aide soit en capacité de transmettre ce savoir à son tour et devienne donc lui-même offreur de savoirs.
Et si le côté innovant de cette pédagogie se situait justement là ? Dans la notion de réciprocité qui fait que dans les rers, chacun est, à la fois offreur et demandeur de savoirs.
Oui, certes, certains élèves, n’étaient durant cette séance qu’offreurs de savoirs, mais ceux qui étaient demandeurs vont se faire un plaisir de chercher dans quel domaine ils sont compétents, pour offrir ce que certains offreurs de la séance de ce fameux mardi ne savent pas forcément...
A la fin de la séance, les élèves ont pu s’exprimer sur leur ressenti. Ceux/celles qui ont offert étaient contents parce que, d’après eux, les élèves à qui ils ont expliqué ont bien compris. Ceux/celles qui ont bénéficié des explications de leurs camarades, ont dit qu’avec les mots, les aides d’autres élèves, ils comprenaient plus facilement que dans un cours traditionnel.
Bien sûr, ce ne fut là qu’une première séance qui, je l’espère, va être suivie par de nombreuses autres. Ce fut, en tous cas, la première fois que je voyais des élèves aussi concentrés, aussi avides d’en savoir plus et motivés à l’idée que ce n’est pas parce qu’ils n’avaient pas compris un certain type de phrase, qu’ils allaient toujours rester ceux à qui on explique, mais qu’eux aussi vont pouvoir expliquer un jour.
Le bonus inattendu ? Sylvia (prénom modifié) qui habituellement se montre particulièrement rebelle, qui refuse d’enlever sa veste, de sortir son cahier et qui, ce jour là, offrait un savoir, est venue vers moi et m’a demandé si elle pouvait me serrer dans ses bras.
Patricia BLEYDORN-SPIELEWOY, 26/03/2018
TROC SAVOIRS - STRASBOURG